Quelques conseils pour bien réhabiliter son bien immobilier
Guillaume Millo : « Il ne faut plus avoir une vision à court terme, mais il faut développer une vision au-delà de sa propre existence. »
Guillaume Millo est issu de l’École Supérieure des Ingénieurs des travaux de la construction de Caen, dont il est sorti major de l’option Bâtiment en 2002. Tour à tour ingénieur, chef de projet (Cari Méditerranée), il est devenu directeur de grands projets (Fayat Bâtiment – Provence) puis directeur d’agence (Fayat Bâtiment – Var) et expert en réhabilitations exceptionnelles (président de Infinity-M). Il est le fondateur de Rehearth. Guillaume Millo vient de publier un livre intitulé « Réhabiliter son bien immobilier comme un pharaon contemporain », qui s’adresse aux investisseurs institutionnels, aux promoteurs privés, aux bailleurs ou fonds d’investissement dans l’immobilier, mais aussi à toute personne qui souhaite se lancer dans une réhabilitation.
L’Hebdo-Bourseplus : La problématique de la réhabilitation d’un bien immobilier va se poser de plus en plus, notamment en raison des contraintes inhérentes à la loi Climat. Vous estimez que tous les investisseurs doivent avoir la culture d’un maître d’ouvrage et que ce n’est finalement pas si compliqué…
Guillaume Millo : Exactement. N’importe qui peut revêtir l’habit ou la fonction de maître d’ouvrage, encore faut-il avoir une vue d’ensemble et une connaissance du processus pour savoir les différentes étapes dans le choix des partenaires. C’est ce qui, généralement, freine le maître d’ouvrage qui n’a pas l’expérience des opérations de construction. Actuellement, notamment avec la loi Climat, la réhabilitation devient nécessaire. Il faut savoir que le béton et l’acier sont responsables de 10 % des gaz à effet de serre et l’on s’aperçoit très rapidement que réhabiliter un bâtiment permet de récupérer une structure existante. Donc, on consomme moins de ressources que si l’on construisait du neuf. Il y a surtout la notion de transmission d’une valeur patrimoniale : on prend le cadeau de nos anciens, on participe à sa modernisation et l’on transmet aux générations futures un bien réhabilité.
Pourtant, on parle beaucoup de l’explosion du coût des matières premières…
J’ai fait cet exercice avec une entreprise de travaux et l’on s’est aperçu qu’entre 2019 et 2022, le coût de construction a augmenté de 20 %. La nouvelle réglementation énergétique contribue aussi à augmenter le coût des constructions, parce que nous avons des matériaux plus écologiques et plus vertueux. On a beaucoup d’énergies renouvelables et cela contribue également à augmenter le coût des constructions.
Quels sont les pièges dans lesquels les propriétaires tombent plus souvent ?
C’est souvent le fait de donner les clés de l’opération directement à un architecte. Cela n’enlève en rien les compétences de l’architecte mais, par méconnaissance du processus, on laisse l’architecte tout faire, alors qu’il va avoir une vision un peu décalée du bâtiment par rapport aux besoins réels du maître d’ouvrage. L’architecte ne va pas se placer dans l’utilisation quotidienne du bâtiment. Il est nécessaire de développer une vision humaine, une vision d’éternité, il est nécessaire de retrouver l’esprit des anciens bâtisseurs. Il ne faut plus avoir une vision à court terme, mais il faut développer une vision au-delà de sa propre existence et sortir de cette idée de marchand de biens. Donc, il y a une vision du bien qui est propre au maître d’ouvrage. Ensuite, il faut partager cette vision avec l’architecte qui va produire un travail de création par rapport à ce besoin qui est émis par un maître d’ouvrage. La première étape n’est pas de trouver un architecte, mais de développer une vision et de partager ce besoin avec l’architecte qui va développer le travail de création.
La multiplication des lois et des textes réglementaires peut-elle effrayer les investisseurs ?
On est dans un monde qui se complexifie. C’est vrai, on risque de réserver le marché de l’investissement immobilier à une élite. C’est pour cela que j’ai voulu vulgariser le processus de réhabilitation en créant une méthode de pilotage, car ce n’est pas très compliqué. C’est accessible à tous et il suffit de piloter des gens qui ont une compétence technique. Ce sont les architectes qui sont sous la contrainte des réglementations pour concevoir des projets qui soient conformes aux réglementations et aux évolutions futures.
Concrètement, comment procéder ?
D’abord, il faut avoir une vision et se dire pourquoi on veut réhabiliter : est-ce pour une simple opération de marchand de biens ? Est-ce pour louer le bien ? Est-ce pour y vivre ? Est-ce pour transmettre le bien aux générations suivantes ? Il faut avoir un diagnostic précis du bien. Pour cela, on fait appel à des bureaux spécialisés pour avoir une photographie de l’état du bien. Ensuite, on développe une faisabilité, notamment sur le coût des travaux et leur durée. Puis on rédige un cahier des charges qui permet de désigner un architecte qui sera en charge de concevoir le bien. Avant de faire la demande d’autorisation de construire, on vérifie avec les artisans que le coût soit compatible avec le budget, pour évacuer très vite le problème financier. Enfin, on fait toutes les déclarations préalables. Mais, ce qui est le plus important, c’est la vision que l’on veut avoir de son bien.
Que pensez-vous de ces sociétés qui prennent en charge tous les travaux moyennant une commission ?
Dans ces métiers, il faut faire une différence entre l’assistance déléguée à maîtrise d’ouvrage et l’assistance à maître d’ouvrage, qui n’est pas déléguée, mais qui sert de conseil. L’assistant va accompagner l’investisseur dans tout le processus, mais l’investisseur a toujours la dernière décision. L’assistant sert simplement à aiguiller l’investisseur dans tout le processus, parce qu’il a une bonne connaissance du métier, pour éviter de tomber dans certains pièges. Je préfère cette deuxième méthode, parce que j’aime bien que le maître d’ouvrage reste propriétaire de son projet et qu’il endosse cette responsabilité. Se faire accompagner par un assistant maître d’ouvrage, cela a vraiment un sens.