Bâtir en prenant de la hauteur !

26 septembre 2023

 

Une loi a été publiée en juillet 2023 pour faciliter l’application de la loi Climat et Résilience de 2021 fixant l’objectif du Zéro Artificialisation Nette des sols (ZAN) en 2050. En effet, beaucoup de communes s’inquiètent des conséquences de cette mesure dans le cadre de leur croissance et du besoin en logements neufs.

 

Aujourd’hui, nous allons aborder le thème de la surélévation des bâtiments existants. Cette méthode est-elle une solution pour combattre l’artificialisation ? Quels sont les principes et les potentiels de déploiement dans nos villes ?

Le principe de surélévation des bâtiments consiste à bâtir un ou plusieurs étages complémentaires sur un immeuble existant.

La surélévation des biens immobiliers est une des réponses pour limiter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. L’objectif est de densifier les centres-villes.

On évoque même l’expression de construire « la ville sur la ville ».

 

Est-ce un concept nouveau ?

Nos anciens pratiquaient déjà la surélévation. On estime que 20 % des bâtiments de Paris intra-muros ont été surélevés au cours de leur histoire. Mais la popularité de cette technique dépend largement de ce que l’on appelle la perception de densité.

Par exemple, à la fin du 18e siècle, le mouvement hygiéniste combattait la densité urbaine qui était alors attribuée à la propagation des feux, des maladies, au manque d’ensoleillement ou encore à une mauvaise qualité de l’air.

L’intérêt pour cette pratique est revenu en force dans les années 2000, après le constat des méfaits de l’urbanisme diffus. La surélévation devient alors un levier pour loger la population croissante des villes et limiter l’étalement urbain.

 

Quelles sont les contraintes réglementaires pour réaliser un projet de surélévation ?

Actuellement, les politiques publiques favorisent largement la surélévation.

Par exemple, l’ordonnance Duflot de 2013 permet de déroger à la création de stationnements complémentaires en cas de surélévation. Ou encore la loi ALUR de 2014 qui supprime le droit de veto des propriétaires du dernier niveau d’une copropriété.

En bref, toutes les contraintes réglementaires peuvent être levées par dérogation aux règles existantes.

Il est toutefois possible de rencontrer des oppositions de la part des architectes des Bâtiments de France qui ont pour mission de veiller à la sauvegarde de la valeur patrimoniale et architecturale des centres-villes.

 

Quels sont les avantages pour les copropriétés ?

En acceptant de surélever leur immeuble, les copropriétaires peuvent générer du profit par la vente des droits à bâtir aérienne. Depuis 2012, la plus-value immobilière est exonérée de taxes et cette mesure est d’ailleurs prolongée jusqu’en 2024.

Les profits peuvent être soit redistribués aux copropriétaires, soit utilisés pour financer la rénovation énergétique ou encore les coûts de maintenance d’une résidence.

Pour finir, chaque copropriétaire paiera également moins de charges, car elles seront réparties sur une surface plus importante.

 

Quel est le potentiel de surélévation sur le territoire français ?

Le parc immobilier français représente 36 millions de logements dont environ 9 millions appartiennent à des copropriétés représentant un potentiel de surélévation.

Par exemple, une étude commandée par la mairie de Paris en 2014 estime que 11 500 bâtiments dans Paris intra-muros sont susceptibles d’être surélevés, soit un peu plus de 8 % des immeubles existants.

Malheureusement, dans les faits, la mise en œuvre d’un projet de surélévation reste complexe et plus coûteuse que construire des logements neufs.

 

La surélévation est-elle une véritable réponse à la loi contre l’artificialisation des sols ?

Certaines études montrent que seulement 3 % maximum du parc bâti d’une ville dense peut être surélevé avec les règles actuelles. La surélévation reste donc pour l’instant une réponse marginale.

Malgré tout, il ne faut pas écarter cette solution. Je pense que bâtir en hauteur en prenant appui sur l’existant a du sens.

Pour libérer tout le potentiel de surélévation de nos villes, il serait par conséquent indispensable de développer une véritable politique nationale pour réinventer nos centres-villes de demain.

Exemple de valorisation du patrimoine existant dans le centre-ville de Tallinn, capitale de l’Estonie, avec un projet de surélévation d’un quartier d’une ancienne friche. Photos prises le 22 septembre 2023 lors d’un déplacement professionnel en Estonie.

 

 


Guillaume MILLO
Expert en rénovation de bâtiments anciens
Auteur – Chroniqueur radio
LinkedIn: linkedin.com/in/guillaume-millo
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