Le Graal des industriels : le ciment zéro émission !
Dans une précédente chronique, nous avions évoqué les ravages environnementaux causés par la fabrication du béton.
Une équipe de chercheurs de l’université de Cambridge aurait trouvé le moyen de recycler le béton pour fabriquer du ciment zéro émission.
Quelles sont les implications de cette découverte ? Pouvons-nous espérer réduire considérablement l’empreinte carbone du béton pour nos constructions ?
En effet, des chercheurs de l’université de Cambridge ont publié fin mai une étude dans la revue Nature. Ils ont trouvé le moyen technique de fabriquer du ciment recyclé prêt à l’emploi.
Le principal avantage est que ce ciment n’émet pas de CO2 dans l’atmosphère. C’est donc une avancée technologique importante pour limiter les impacts de ce matériau sur notre environnement.
Pouvons-nous rappeler l’ampleur des dégâts causés par le ciment ?
Le ciment est le matériau le plus utilisé dans le monde. Sa fabrication est responsable de 8 % des émissions de CO2 sur la planète. Il représente 90 % des émissions dans la composition du béton.
L’humanité consomme chaque seconde, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 150 tonnes de ciment.
Nous l’avions déjà évoqué. Si l’industrie du ciment était un pays, il serait le troisième pays émetteur de gaz à effet de serre juste derrière les États-Unis et la Chine.
Dès lors, fabriquer du ciment et du béton zéro émission est devenu une sorte de quête du Graal pour tous les industriels.
Comment fonctionne ce procédé de recyclage ?
Le principe est assez simple. Il s’agit de recycler le béton des constructions que nous démolissons.
Le béton récupéré est broyé pour séparer le ciment du sable et du gravier.
Le ciment est alors introduit de nouveau dans des fours et, comme par magie, les chercheurs ont découvert qu’ils pouvaient fabriquer un nouveau ciment prêt à l’emploi.
Pour quelles raisons le ciment recyclé n’émet pas de CO2 ?
Dans la fabrication du ciment, c’est la réaction chimique de départ liée à la décomposition du calcaire sous l’effet de la chaleur qui est responsable de 70 % des émissions. Les 30 % restants sont liés à l’énergie utilisée par les fours pour produire des hautes températures.
L’avantage de recycler le ciment est qu’il a déjà opéré la réaction chimique une première fois. Par conséquent, il n’émettra plus de CO2.
Conclusion, en faisant fonctionner les fours avec une énergie décarbonée, par exemple, l’électricité provenant de nos centrales nucléaires, nous obtenons un ciment zéro émission.
Pouvons-nous imaginer couvrir la totalité des besoins de l’humanité ?
Malheureusement non ! Prenons l’exemple de la France.
En 2022, l’accroissement du nombre de logements comptabilisés par l’INSEE était de 265 000 unités, tenant compte des delta entre constructions neuves et démolitions.
Ce qui signifie que notre besoin en béton est supérieur aux possibilités de recyclage.
C’est encore plus vrai à l’échelle de l’humanité. Nous allons passer de 8 à 11 milliards d’individus en 2060 et il va falloir loger toute cette population particulièrement dans les zones d’explosion démographique.
La demande en ciment sera donc toujours plus importante que la quantité disponible avec du matériau recyclé.
Existe-t-il d’autres solutions ?
Ces dernières années, les industriels ont mis au point des bétons, dits « bas carbone », en remplaçant une partie du ciment par des produits issus de l’industrie sidérurgique. Ils affirment réduire jusqu’à 70 % les émissions de CO2 par rapport à un béton traditionnel, sans toutefois tenir compte dans le calcul des émissions des produits sidérurgiques.
L’autre possibilité serait de diversifier les matériaux de construction en employant plus de bois par exemple.
Malgré tout, nous aurons toujours besoin du béton pour construire les infrastructures des grandes villes, les ponts, les routes, les aéroports, les barrages. Bref, pour l’instant, l’équation à l’échelle planétaire reste difficile à résoudre.
Ressources complémentaires : Recyclage électrique du ciment Portland à grande échelle | Nature
Guillaume MILLO
Expert en rénovation de bâtiments anciens
Auteur – Chroniqueur radio
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