Combat contre l’habitat indigne !
Le 27 mars 2024, le Sénat a approuvé unanimement le projet de loi de lutte contre « l’habitat dégradé ».
Combien de Français vivent dans ce type d’habitation ? Que propose la loi pour lutter contre ce phénomène ?
Mais d’abord qu’est-ce qu’un logement classé indigne ?
L’habitat indigne est clairement défini dans la loi française. Il s’agit d’une habitation portant atteinte à la dignité humaine.
Ce sont des logements dont l’état ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés représentent des risques manifestes pour la santé ou la sécurité physique des occupants.
Pour faire simple, l’habitat indigne regroupe des locaux impropres à être utilisés comme une habitation. Ce sont, par exemple, des logements qui ne possèdent pas de salles de bain, de toilettes intérieures ou d’un chauffage central. Ils peuvent aussi être équipés de garde-corps aux fenêtres ne respectant pas les normes de sécurité et ne pouvant empêcher une chute de personne. Ou encore des habitations présentant des risques respiratoires liés à des émissions de particules ou des intoxications au monoxyde de carbone.
Que représente en chiffre l’habitat indigne en France ?
Nous estimons que le nombre de logements indignes dans le parc privé est de 400 000 en France métropolitaine et 100 000 en outre-mer. Cela représente 1,4 % du parc immobilier total.
La moitié de ces habitations est occupée par leur propriétaire.
Nous recensons 1 123 000 personnes vivant dans des copropriétés en difficulté avec, en particulier, une absence de travaux d’entretien.
Existe-t-il des recours de justice pour lutter contre les logements indignes ?
En 2022, l’enquête menée par le Pôle national de lutte contre l’habitat indigne et la Direction générale de la santé montre une prise en compte plus sensible de l’habitat indigne.
Au total, presque 14 000 arrêtés d’insalubrité étaient en vigueur au moment de l’enquête dont près de 3 000 pris sur la seule année 2022, marquant une hausse de 10 % par rapport à 2021.
Que prévoyait la loi jusqu’à maintenant ?
Le gouvernement a commencé en 2018, dans le cadre de la loi ÉLAN, un plan pour réhabiliter les copropriétés dégradées et lutter contre les marchands de sommeil. Actuellement, plus de 1 000 copropriétés sont accompagnées, dont 40 % en quartier prioritaire, représentant 89 000 logements. L’État a prévu de mobiliser 2,7 milliards entre 2018 et 2028.
Toutefois, dans les faits, la puissance publique et les décideurs rencontrent beaucoup de difficultés pour agir.
Pour quelles raisons est-il si difficile de combattre l’habitat indigne ?
Malgré les arrêtés d’insalubrité, certains propriétaires ou bailleurs n’effectuent pas les travaux prescrits par la puissance publique mettant ainsi en danger la vie des occupants ou la santé des voisins ou des locataires.
Ce sont des procédures administratives très lourdes et très longues – en moyenne 10 ans, mais pouvant aller jusqu’à 20 ans – qui empêchent d’agir de manière efficace.
Quelles sont ces mesures de renforcement prévues dans le nouveau texte de loi adopté le 27 mars par le Sénat ?
Elles visent à donner plus d’outils aux collectivités locales ou aux préfets lorsque des travaux prescrits par la puissance publique ne sont pas réalisés par les propriétaires. Les mesures principales sont :
- la création d’une nouvelle procédure d’expropriation des propriétaires de logements sous arrêté d’insalubrité avant que la situation ne devienne catastrophique ;
- le renforcement du droit de préemption des communes pour lutter contre les marchands de sommeil avec une mise à disposition gratuite des biens confisqués pour construire de nouveaux logements ;
- mais aussi l’obligation pour un propriétaire de proposer un relogement pérenne aux occupants d’un logement sous arrêté d’insalubrité au bout de trois ans.
La loi va également faciliter pour les copropriétés la souscription d’un prêt collectif pour financer les travaux essentiels et les travaux de rénovation énergétique.
Compléments d’infos : On compte 35 000 accidents domestiques par jour en France, plus de 20 000 décès par an dont 300 liés à des incendies. On répertorie 200 000 incendies domestiques qui ont lieu chaque année en France dont 25 % sont directement liés à des problèmes électriques comme des prises défectueuses.
Ressources complémentaires : Lien vers le rapport de la mission relative aux outils pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne. Rapport final LHI VF_avec annexe_19oct_20h_COUV_V2.pdf (ecologie.gouv.fr)
Guillaume MILLO
Expert en rénovation de bâtiments anciens
Auteur – Chroniqueur radio
LinkedIn: linkedin.com/in/guillaume-millo