Crédit immobilier : retour brutal à la réalité !

7 décembre 2023

 

La hausse des taux d’emprunt par la banque centrale européenne pour limiter l’inflation rend très difficile l’accès au crédit pour les particuliers.

Le 4 décembre 2023, Bruno Le Maire a présidé la réunion avec le Haut Conseil de stabilité financière. Il a plaidé pour un assouplissement des conditions d’octroi des prêts immobiliers.

Quelles sont ces mesures ? Seront-elles suffisantes ?

 

Mais d’abord quelle est la situation de l’accès au crédit en France ?

En dix-huit mois, les taux d’emprunt ont quadruplé pour atteindre en moyenne 4,5 % pour une durée de crédit de 25 ans.

Dans le même temps, le Haut Conseil de stabilité financière a maintenu les règles pour combattre le surendettement des ménages. La durée maximale d’un crédit reste à 25 ans avec une capacité d’emprunt limitée à 35 % des revenus du foyer. Les banques ont par conséquent durci les conditions d’accès au crédit pour les Français.

C’est l’une des raisons pour lesquelles le marché de l’immobilier est en train de sombrer dans une crise majeure.

 

Quelles sont les mesures d’assouplissement proposées par le gouvernement ?

Les trois mesures principales proposées par le gouvernement consistent à :

  1. Augmenter la durée maximale d’un crédit de 25 à 27 ans, sous réserve que l’acquéreur réalise des travaux de rénovation à hauteur d’au moins 10 % du montant total du crédit.
  2. Donner plus de souplesse aux banques, en fonction des projets et des profils des acquéreurs, pour déroger à la règle de limitation du taux d’endettement de 35 % des revenus.
  3. Permettre à un ménage de demander le réexamen de son dossier, en cas d’un premier refus de la banque.

 

Ces mesures seront-elles efficaces pour faciliter et relancer l’accès au crédit ?

Selon moi, nous sommes en train de mettre des pansements à une crise structurelle qui est bien plus profonde. Pendant plus de 20 ans, les taux directeurs réels d’emprunt des banques centrales étaient proches de zéro. L’argent était gratuit et l’accès au crédit facile.

Cette situation a généré des bulles spéculatives dans l’économie et particulièrement dans l’immobilier.

Qu’appelez-vous une bulle spéculative dans l’immobilier ?

Prenons un exemple. Imaginez que j’achète ma résidence principale 100 000 € en empruntant de l’argent gratuit à la banque avec des conditions assouplies. Deux ans après, je revends le même bien 150 000 € en réalisant au passage une plus-value de 50 000 €. J’ai donc créé de la richesse à partir de rien. Le bien existait avant que je l’achète. Je n’ai pas transformé de l’énergie ni de la matière première. Je n’ai pas produit des biens et des services. J’ai seulement créé de la richesse de manière spéculative.

C’est ce mécanisme qui est à l’origine de la hausse considérable des prix de l’immobilier ces vingt dernières années et particulièrement dans les zones tendues comme en région parisienne. Mais c’est aussi pour cette raison qu’il est si difficile pour les ménages d’accéder actuellement au crédit alors que les taux remontent. L’immobilier est devenu trop cher.

 

S’agit-il d’une crise du crédit ou finalement d’un retour à la normale ?

En ce qui me concerne, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une crise du crédit. C’est plutôt un retour brutal à la réalité.

En revanche, ce sont les conséquences de cette politique des taux directeurs proches de zéro de la banque centrale ces deux dernières décennies qui créent depuis quelques mois une crise dans le secteur de l’immobilier.

 

Cela veut-il dire que la situation va perdurer ?

Certains économistes disent clairement que les taux directeurs des banques centrales doivent se situer entre 3 et 5 % pour qu’une économie puisse fonctionner normalement.

Par exemple, lorsque j’ai acheté ma résidence principale avec ma femme en 2007, j’ai obtenu un crédit sur 25 ans avec un taux fixe de 4,57 %. À l’époque, nous étions très contents ! Mes parents ont acheté dans les années 80 leur résidence principale avec un taux à 19 %.

Je ne suis pas futurologue, mais j’ai la conviction que les taux resteront à ces niveaux et pour longtemps. Il est possible qu’à la perspective d’une récession ou d’une crise financière, la banque centrale décide d’assouplir sa politique des taux, mais il me semble peu probable que nous revenions à une situation où l’argent soit de nouveau gratuit avec des taux proches de zéro.


Guillaume MILLO
Expert en rénovation de bâtiments anciens
Auteur – Chroniqueur radio
LinkedIn: linkedin.com/in/guillaume-millo
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