DPE dans l’ancien, une nécessité !
Les présidents de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la FNAIM et de l’association Sites & cités remarquables de France ont adressé, le 21 juin 2023, une lettre ouverte au gouvernement pour réclamer la mise en place d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) spécifique aux bâtiments anciens.
Avec le durcissement des interdictions de location, quels sont les enjeux pour les propriétaires et les locataires ? Pour quelles raisons devons-nous faire la distinction entre bâtiments anciens et bâtiments neufs ?
Rappelons d’abord que le diagnostic de performance énergétique (DPE) permet de définir une étiquette énergétique à un logement en fonction de son niveau de consommation. L’État français utilise ce diagnostic pour mener sa politique publique d’incitation à la rénovation énergétique et d’interdiction de location. L’objectif étant d’éradiquer les 7 millions de passoires thermiques de notre parc immobilier d’ici à janvier 2034.
Comment faisons-nous la distinction entre bâtiments anciens et bâtiments modernes ?
Nous considérons que les bâtiments anciens sont ceux construits avant 1948. Les techniques de construction étaient alors majoritairement artisanales. Nous utilisions des matériaux naturels régionaux comme la pierre, le bois, le torchis ou encore les briques de terre cuite.
Ensuite, après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe et la France sont ravagées. Le plan de reconstruction de la France est lancé avec pour objectif de construire 240 000 logements par an. Les techniques de construction deviennent industrielles avec la généralisation du béton armé.
Les bâtiments anciens consomment-ils plus d’énergie que les bâtiments d’après-guerre ?
Contrairement à la croyance populaire, ce sont les bâtiments construits entre 1948 et 1975 qui sont les plus énergivores. En effet, 1975 marque la date à laquelle la première réglementation thermique entre en vigueur après le premier choc pétrolier de 1973.
Le projet BATAN mené par l’ADEME et le ministère du Logement au début des années 2010 démontrent que les bâtiments construits avant-guerre consomment en moyenne nationale 158 kWhep/m²/an, correspondant à l’étiquette D du DPE. Ce qui signifie que la plupart de nos bâtiments anciens ne rentrent pas dans la catégorie des passoires thermiques.
Quelles sont les différences entre un bâtiment ancien et un bâtiment récent ?
Le bâtiment ancien est connecté à son environnement. Les matériaux naturels utilisés créent des échanges thermiques entre l’intérieur et l’extérieur de la bâtisse. Nos anciens avaient également compris l’importance de la conception en portant un soin particulier à l’orientation, aux agencements des pièces, aux épaisseurs des murs.
Les bâtiments contemporains sont étanches. Le béton armé est un matériau qui ne respire pas. Et, surtout, les techniques de construction sont les mêmes, quelle que soit la région.
Pourquoi n’existe-t-il pas encore de DPE spécifique au bâtiment ancien ?
Tout simplement parce que les modèles de calculs actuels ne tiennent pas compte des spécificités des bâtiments construits avant 1948. Les différences dans les matériaux et les techniques, qui font le charme de nos villes et de nos villages français, rendent complexe la modélisation des comportements thermiques des bâtiments anciens.
Que faudrait-il faire ?
Au vu de l’importance des enjeux des interdictions de location, les présidents d’associations ont raison d’avoir lancé l’alerte. Nous estimons que 30 % de notre parc immobilier a été construit avant 1948, c’est-à-dire plus de 10 millions de logements concernés par cette mesure.
Il faut relancer et finaliser le projet BATAN qui constitue une base de données importante sur le comportement thermique des bâtiments anciens pour créer le modèle de calcul indispensable à la mise en place d’un DPE spécifique à l’ancien.
Guillaume MILLO
Expert en rénovation de bâtiments anciens
Auteur – Chroniqueur radio
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