Les permis de construire en stress !

13 novembre 2023

 

 

Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a publié fin octobre les statistiques des permis de construire validés sur l’année écoulée. Une forte diminution des autorisations de logements neufs inquiète les acteurs du secteur.

Quelles sont les raisons de cette baisse ? Quels seront les impacts dans les prochains mois pour les professionnels et les particuliers ?

 

Mais d’abord que disent les statistiques du ministère ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Entre octobre 2022 et septembre 2023, les territoires français ont autorisé la construction de 371 000 logements neufs, soit une baisse de plus de 28 % sur l’année écoulée.

Nous constatons également une forte diminution de plus de 10 % sur les réservations de logements neufs par rapport au premier trimestre 2023.

 

Quelles sont les raisons de ce ralentissement ?

Nous sommes au cœur d’une crise liée à la politique monétaire.

Pendant plus d’une décennie les taux d’emprunt étaient à zéro, voire négatifs. Pour faire simple, l’argent était gratuit favorisant, entre autres, une bulle sur le secteur de l’immobilier et particulièrement dans les zones tendues.

Avec la crise du Covid, beaucoup de gouvernements en Europe et dans le monde ont mené des politiques du quoi qu’il en coûte. L’augmentation colossale de la masse monétaire depuis 2020 s’accompagne ces deux dernières années d’une forte inflation conduisant à une politique de resserrement des taux par les banques centrales.

La hausse des taux d’emprunt combinée à une forte augmentation des coûts de construction est un mélange explosif qui fait sombrer notre pays dans une crise du logement neuf majeure.

 

De combien les coûts de construction ont-ils augmenté depuis le début de la crise du Covid ?

J’ai fait l’exercice sur les opérations que j’accompagne avec mes clients. En comparant les coûts de construction entre décembre 2019, c’est-à-dire à l’apparition des premiers signes du Covid, et avril 2023, les coûts de construction, tous corps de métier confondus, ont augmenté en moyenne de 21 %.

 

Comment sont répercutées les hausses des prix dans le secteur ?

L’équation est extrêmement complexe.

D’une part, les promoteurs et les bailleurs sont contraints de payer les constructions plus cher. Ils doivent donc baisser leur marge et augmenter les prix de vente pour maintenir l’équilibre d’une opération.

D’autre part, les taux d’emprunt augmentent rendant les conditions d’accès aux crédits plus difficiles pour les particuliers. La demande en logements neufs baisse et le volume des ventes diminue entraînant une baisse des prix de l’immobilier.

Nous avons là tous les ingrédients d’une crise sans précédent dans le secteur.

Certaines organisations professionnelles, par exemple, anticipent la destruction de 150 000 emplois d’ici à 2025.

 

Les contraintes environnementales et la gestion des ressources naturelles peuvent-elles accentuer les effets de la crise immobilière ?

Oui et pour plusieurs raisons.

D’abord, l’objectif progressif d’atteindre le zéro net artificialisation des sols en 2050 pour protéger les espaces naturels et la biodiversité va fortement impacter le développement des communes et la construction neuve en général.

Ensuite, la gestion des ressources naturelles liée au réchauffement climatique va devenir un point central dans les prochaines années.

Par exemple, l’intercommunalité du pays de Fayence dans le département du Var a gelé tous les permis de construire pour les cinq prochaines années pour des raisons de stress hydrique. Ce territoire manque tout simplement d’eau pour accueillir de nouvelles populations.

 

Quelles sont les solutions pour amortir la crise et sauver nos emplois ?

Une des clés pour traverser la crise est d’accompagner le secteur de l’immobilier dans une mutation d’usage. Le marché de la rénovation énergétique du parc immobilier existant est considérable. Ce sont 7 millions de passoires thermiques représentant le potentiel de 400 milliards d’euros d’investissement dans les 10 prochaines années.

Un récent sondage auprès des notaires révèle que les Français se ruent actuellement sur l’achat des passoires thermiques qui représentent un bien sur cinq vendu en France.

L’intercommunalité du pays de Fayence que je viens de citer a, par exemple, lancé son premier salon de la rénovation en octobre pour créer des synergies et accompagner les acteurs dans cette mutation d’activité.

Il y a donc des opportunités pour basculer dans le monde de demain et ce sont ceux qui sauront s’adapter rapidement qui survivront.


Guillaume MILLO
Expert en rénovation de bâtiments anciens
Auteur – Chroniqueur radio
LinkedIn: linkedin.com/in/guillaume-millo
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