L’hydroélectricité sous estimée !

7 février 2023

 

 

Les auditions de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale visant à déterminer les raisons de la perte d’indépendance et de souveraineté énergétiques de la France se poursuivent.

Le rapport d’enquête sera remis au mois d’avril 2023.

On constate que le potentiel de l’énergie hydroélectrique semble être oublié dans les débats. Nous allons aujourd’hui décrypter quelles en sont les raisons.

Quelle est la situation de la production hydroélectrique ? Quel est son potentiel de développement en France ?

D’abord, je vous propose un rapide état des lieux à l’échelle mondiale. L’hydroélectricité est la première source d’électricité décarbonée dans le monde. Elle est produite en utilisant la force des cours d’eau pour actionner des turbines générant de l’électricité. En 2020, elle a fourni 17 % de la production mondiale. C’est la troisième source d’électricité après le charbon et le gaz naturel.

L’avantage majeur de l’hydroélectricité est sa très grande flexibilité. Une centrale peut augmenter ou diminuer sa production très rapidement, permettant de s’adapter aux changements de la demande.

Quel est l’état des lieux en France ?

Sur notre territoire, nous avons largement su tirer profit des reliefs de nos massifs montagneux comme les Alpes, les Pyrénées et le Massif central, et de nos cours d’eau. Le parc hydraulique français compte plus 2500 installations. EDF exploite, par exemple, 427 centrales hydrauliques et plus de 600 barrages.

En 2021, les centrales hydroélectriques françaises ont produit 12 % de l’électricité en France métropolitaine. Cela représente 60 % de la production d’électricité renouvelable.

Quel est le bilan carbone de l’énergie hydroélectrique ?

En analysant le cycle de vie, on estime qu’une installation hydroélectrique rejette 6 g de CO2 par kilowattheure d’électricité produite. Avec le nucléaire, c’est la source de production d’électricité qui génère le moins de rejet de carbone. Le point fort du bilan carbone est la durée de vie des installations. Par exemple, l’Agence internationale de l’énergie précise que l’âge moyen des centrales hydroélectriques en Europe est de 45 ans. Ce sont donc des investissements sur des temps longs qui produisent de l’électricité sans émission de CO2 pendant plusieurs décennies.

Est-il possible de développer encore le potentiel actuel hydroélectrique en France ?

L’hydroélectricité est largement oubliée dans le débat public des énergies renouvelables, car son potentiel de développement est moins important que l’éolien et le solaire. Nous produisons actuellement 60 TWh/an (1 térawattheure représente 1 milliard de kilowattheures). En respectant le classement des cours d’eau interdisant la construction de nouvelles installations sur certains sites, nous pourrions augmenter la production de 3 TWh/an soit seulement 5 % de plus que la production actuelle.

Existe-t-il d’autres solutions techniques pour développer cette énergie ?

Les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) présentent un bon potentiel de développement. De manière simple, ce dispositif fonctionne avec deux retenues d’eau à des altitudes différentes. Aux heures de forte consommation, le bassin supérieur lâche son stock d’eau dans une conduite forcée pour produire de l’électricité. L’eau est canalisée ensuite pour remplir le bassin inférieur. Aux heures creuses, de l’électricité est prélevée sur le réseau pour pomper l’eau du bassin inférieur et remplir à nouveau le bassin supérieur.

Comment pouvons-nous développer ce type d’installation ?

Les STEP permettraient un déploiement plus facile des énergies renouvelables intermittentes tels l’éolien et le solaire, sans faire appel aux centrales à gaz comme moyen de production pilotable. Les capacités de stockage des STEP permettraient de protéger notre réseau quand il n’y a pas de vent et de soleil. En revanche, quand les éoliennes et les panneaux photovoltaïques produisent de manière excédentaire par rapport à la demande, l’électricité serait utilisée pour recharger par pompage les capacités de stockage des STEP. Nous pourrions, par exemple, envisager le développement des STEP marines pour équilibrer les fermes d’éoliennes en mer. L’eau de stockage serait alors directement prélevée en mer sous réserve d’avoir des reliefs pour surélever le bassin supérieur.

Pour finir, d’autres solutions techniques à grande échelle pourraient être développées pour utiliser aussi l’énergie des marées. Avec le linéaire de côtes dont dispose la France, le potentiel de développement est très important.


Guillaume MILLO
Expert en rénovation de bâtiments anciens
Auteur – Chroniqueur radio
LinkedIn: linkedin.com/in/guillaume-millo
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