Pourquoi la rénovation énergétique est-elle un enjeux de société ?
Une question clé
Partout, nous parlons de rénovation énergétique du parc immobilier existant. Entre interdiction de location, étiquettes énergétiques, DPE, audits énergétiques, objectif de neutralité carbone du parc à l’horizon 2050, nous avons du mal à avoir un regard objectif pour savoir quels sont les véritables enjeux. La rénovation énergétique est-elle un défi immense pour notre société dans les prochaines décennies ? Voilà une question clé…
Quels sont les enjeux de la rénovation énergétique dans les deux prochaines décennies ?
Dressons d’abord un rapide état des lieux de la situation.
Le parc immobilier français représente environ 36 millions de logements. Chaque année, nous renouvelons 1 % de ce parc en construisant 400 000 logements neufs.
Vous devez savoir que le besoin en nouvelles constructions va largement diminuer dans les deux prochaines décennies, et ce, pour deux raisons :
- La première raison est démographique. La France métropolitaine compte 65 millions d’habitants au premier janvier 2022. D’après l’INSEE, nous serons aux alentours de 72 millions à l’horizon 2050. Si nous continuons à produire sur un rythme de 400 000 logements neufs par an, nous aurons construit 11 millions de logements d’ici à 2050, soit 4 millions de plus que l’augmentation de la population. L’offre deviendrait alors largement supérieure à la demande.
- La deuxième raison est réglementaire. L’État français a décidé d’encadrer la bétonisation des sols pour protéger les espaces naturels et éviter l’étalement urbain. L’objectif est d’atteindre zéro artificialisation nette des sols à l’horizon 2050. Cette mesure est d’ailleurs un véritable casse-tête. Pendant le mois d’août, j’ai échangé avec le maire d’une petite commune varoise dans le sud-est de la France qui me faisait part de ses inquiétudes. Il doit résoudre l’équation complexe entre besoins de créer une zone commerciale et des logements neufs pour développer économiquement le territoire de sa commune et la protection des espaces naturels et des sols.
Parallèlement à une diminution de la demande de logements neufs, la France a largement renforcé la réglementation. La loi contre le dérèglement climatique va, par exemple, interdire progressivement la location d’un bien immobilier avec une mauvaise étiquette énergétique. Vous savez ce que l’on appelle couramment les passoires thermiques. Par exemple, un de mes amis possède un appartement qu’il loue avec une étiquette énergétique G. À partir de janvier 2023, il ne pourra plus augmenter le loyer et, dès janvier 2025, il lui sera interdit de le louer.
En juillet dernier, l’observatoire national de la rénovation énergétique a publié un rapport qui indique que le parc immobilier français compte un peu plus de 7 millions de passoires thermiques, dont 1,6 million de logements dans le locatif privé. Cela signifie que c’est majoritairement l’État qui doit et qui devra investir dans la rénovation énergétique de son parc immobilier.
Malgré tout, ce sont 1,6 million de logements et leurs propriétaires qui sont impactés par les interdictions de location. Je suis régulièrement sollicité par des propriétaires de biens immobiliers désarmés face à cette situation. La plupart ne sont pas des professionnels du bâtiment et ne savent pas quoi faire, ni par où commencer ou encore quels sont les partenaires qui pourraient les accompagner.
Paradoxalement, la nouvelle réglementation énergétique appelée RE 2020 ne concerne que la construction de bâtiments neufs. La dernière réglementation pour rénover les bâtiments existants date de 2007. Même si elle a subi une révision en 2017, beaucoup de professionnels estiment que cette réglementation vieille d’une quinzaine d’années n’apporte plus les outils nécessaires pour répondre aux enjeux. D’ailleurs, durant l’été, l’ordre des architectes en France a demandé l’édition d’une RE 2020 pour l’existant. J’ai l’exemple d’une architecte avec qui j’ai échangé lors d’une des rencontres hebdomadaires des professionnels du bâtiment à la Cité Fab de Marseille. Elle me disait : « On ne sait jamais vraiment quoi faire pour améliorer les performances thermiques d’un logement individuel. Quelles épaisseurs d’isolant choisir ou encore quel dispositif de chauffage ? Sur les grands projets, nous sommes toujours accompagnés par des bureaux d’études spécialisés, mais pour la rénovation d’un logement d’un petit propriétaire, c’est moins évident. » Cet exemple illustre bien la problématique de ces 1,6 million de propriétaires de passoires thermiques.
Si vous possédez un logement qui est une passoire thermique, que devez-vous faire et comment ?
Je recommande de ne pas vous fier aux résultats des DPE ni à l’avis approximatif basé sur l’expérience d’un artisan pour vous lancer dans vos travaux. Vous devez faire appel à un bureau d’étude thermique pour réaliser un audit énergétique qui permet :
- De dresser un état des lieux de votre bien,
- D’avoir une liste détaillée des travaux que vous devez entreprendre pour obtenir une étiquette énergétique cible,
- D’obtenir un devis estimatif du coût des travaux,
- Un détail des aides fiscales du moment.
Selon moi, l’audit énergétique est la meilleure réponse pour savoir quoi faire, comment et surtout combien cela va vous coûter.
Un audit énergétique coûte en moyenne 1 200 € pour un logement individuel. Ne voyez pas cela comme un coût, mais tel un investissement qui vous permettra d’optimiser le montant global de vos travaux.
Conclusion
Nous devons être convaincus que la rénovation énergétique est un enjeu majeur pour notre société dans les deux prochaines décennies. Notre regard et notre énergie ne doivent pas être tournés vers la construction neuve, mais bel et bien vers la rénovation de notre patrimoine. Notre défi est de prendre appui sur le passé pour construire le monde de demain, car le parc immobilier à l’horizon 2050 est déjà là !
Guillaume MILLO
Expert en rénovation de bâtiments anciens
Auteur – Chroniqueur radio
LinkedIn: linkedin.com/in/guillaume-millo